Dis papa, c'est quoi l'Europe?
J'en entends parler depuis que je suis tout petit. Déjà lorsque j'étais au Collège les cours d'Histoire parlaient de CECA, de marché commun, d'Europe des "dix". Et pourtant, aujourd'hui je ne sais toujours pas ce que c'est. Il ne faut pas avoir peur, se sentir honteux de dire qu'on ne sait pas, et en ce sens je peux le clamer haut et fort: l'Europe je ne sais pas ce que c'est!
C'est d'ailleurs une chose inquiétante, car tous les jours je lis les infos, je ne pense pas être plus idiot que la moyenne nationale, mais je ne sais toujours pas ce que c'est que l'Europe. Peut-être parce que je ne m'y suis jamais intéressé vraiment, sans doute parce qu'on a jamais essayé de me l'expliquer, ni les politiques ni les médias, et peut-être parce que je n'ai pas encore lu "L'Europe pour les nul", un ouvrage qui pourtant existe et a été écrit par une députée européenne du MoDem, Sylvie Goulard.
Du coup, j'en suis resté à ce qu'on m'a enseigné en cours d'Histoire et à ce que j'ai vaguement pu comprendre par la suite. Pourtant j'ai essayé. Lors du référendum sur le projet de constitution européenne, j'avais même acheté le bouquin. Le traité constitutionnel dans son intégralité. Hélas, je ne suis pas spécialiste du droit constitutionnel et ma lecture s'est arrêté à la page 40. Le traité de Lisbonne, je n'ai même pas essayé de le lire, tant après un survol rapide, les rappels aux alinéas de tel ou tel autre traité m'ont découragé.
Alors pour moi l'Europe, c'est quoi?
1) Avant tout la paix sur notre territoire, puisqu'il me semble (si je me souviens bien de mes cours d'Histoire), qu'une des grandes vocations de la création de l'Europe a été d'instaurer la paix.
2) Un marché commun à 6 pays en 1952, à 27 depuis 2007, depuis le grand élargissement suite à la disparition du bloc de l'est. Un marché commun où "la concurrence est libre et non faussée" selon certains, ou au contraire doit être régulée selon d'autres. Un marché commun dans lequel je continue à acheter des fruits et légumes en provenance du Maroc, des ordinateurs fabriqués à Taïwan, des téléviseurs plasma made in ... je ne sais pas où parce que je n'ai pas de téléviseur plasma, et plus largement souvent des produits - textiles notamment - estampillés "made in RPC" (République Populaire de Chine). Bref que des produits européens.
3) Une monnaie unique qui me permet..., qui me permet quoi au fait? Qui me permet de payer en Province un café entre 1 euro 10 et 1euro 30, alors qu'avant l'euro je m'indignais de devoir payer 6 francs pour un café en plein Paris. Je ne parle même pas de la bière (je ne suis pas un grand amateur...) qui se payait 2 francs 50 la pression il y a 25 ans en province, et qu'aujourd'hui il est impossible de trouver à moins de 2 euros. Mais je fais entièrement confiance à ceux qui me disent que grâce à l'euro fort devant le dollar, je paye mon carburant moins cher. C'est vrai qu'à 1,50 euro le litre en moyenne, la SP98 est quasiment donnée. Je m'en délecte d'ailleurs à chaque fois que je passe à la pompe. Comme je n'ai pas personnellement à acheter d'avions Airbus, qui eux se vendent en dollars, je n'ai absolument aucune raison de me plaindre de l'euro.
4) Une Europe des citoyens, comme on dit. Personnellement, vu ce que j'ai pu écrire auparavant, inutile de vous dire que je n'ai pas vu la transition. Tout le monde continue en Europe à parler sa langue originelle, tout le monde conserve sa propre culture. Au contraire, il y a même des absurdités qui au nom d'un européanisme confondant de bêtise se propagent. Dans la région Nord, on encourage désormais fortement à apprendre le néerlandais. C'est normal, nous avons des voisins flamands et néerlandais. Alors du coup, il faut mettre le paquet sur le néerlandais, qui comme chacun le sait est une des langues les plus parlées au monde, peut-être en passe de devenir la langue commerciale par excellence. A ce titre, j'en viens à me demander si l'Europe est une fin en soi ou juste un simple faire-valoir, un motif de justification pour nombre de nos politiques qui ne maîtrisent plus rien.
5) Une Europe de la Défense: on en parle depuis tellement longtemps... Et je crois que je suis dans ce domaine assez bien placé pour en parler. Beaucoup d'efforts ont été faits, tant au niveau industriel qu'au niveau des Etats. L'Europe de la Défense est d'ailleurs peut-être le seul point positif que je peux relever en faveur de l'Europe. Volonté manifeste d'harmonisation des besoins (en particulier entre France, Angleterre et Italie), volonté industrielle de travailler ensemble (même si c'est naturellement beaucoup plus dur que tout seul). L'Europe de la Défense a progressé, même si elle n'existe toujours pas. Mais les marchés sont plus vastes, et les coopérations notamment avec le Royaume-Uni en matière opérationnelle, permettent de limiter le coût des dépenses militaires. Même si l'Allemagne reste toujours hors-jeu...
Idem chez Airbus, pas militaire, mais vu que ce sont des anciens de la Défense qui ont pris les rênes chez Airbus... Le Marché s'agrandit, les difficultés techniques s'accroissent du fait des différences de culture, mais les savoir-faire se capitalisent.
6) L'Europe de la politique étrangère: il y a comme qui dirait un hiatus. L'Europe parle t-elle d'une seule voix? Ca se saurait... La récente intervention en Lybie, dont l'Allemagne s'est tenue à distance est la preuve qu'aucun, mais vraiment aucun progrès n'a été fait en faveur d'une politique étrangère commune. Qu'on n'arrive même pas à se mettre d'accord entre Français et Allemands sur une intervention en Lybie prouve que l'harmonisation des politiques étrangères en Europe n'existe tout simplement pas.
7) L'Europe économique: apparemment, nous n'arrivons même pas à nous mettre d'accord sur de simples critères de limite donnée au déficit public... Chaque pays a sa propre limite. Et la France n'est d'ailleurs pas la dernière à vouloir imposer sa propre limite, contre vents et marées s'il le faut. Alors de là à nommer un ministre européen des finances (ce qu'il faudrait), ... pas avant 2050 au minimum.
Alors à quand l'Europe, la vraie, celle qui qui est née en 1952, mais qui depuis est plus que poussive? Il va falloir faire un jour un choix: soit la réaliser une bonne fois pour toutes, soit l'abandonner. A moins qu'on accepte l'idée d'une Europe composée de différents cercles, suivant les intérêts de chacun. Une espèce d'Europe composite, ce qui ne serait peut-être pas le plus mauvais choix d'ailleurs. En attendant, je suis complètement gavé de lire sur la toile les avis de "tel ou tel expert" (sauf Frédéric LN) quant à la sortie ou non de l'euro, etc... Des avis parfois contradictoires, mais aussi la plupart du temps en accord avec les courants bien-pensants de notre société. Je reconnais personnellement que je suis ignard en la matière. Suis-je le seul ignard parce que je me refuse à reprendre ce qui est écrit dans les médias, ou suis-je ignard tout court?!