Crise alimentaire mondiale: problème conjoncturel ou structurel?

Publié le par JF le démocrate

Il est prêt de 23 heures en ce mardi 6 mai 2008. Aussi, je crois que j'ai à peu près respecté les 24 heures de silence (une minute n'eut pas suffi face à un tel désastre...) que je préconisais dans mon précédent billet, ceci afin de fêter dignement la première année de règne de Nicolas Ier.

Il est dorénavant temps de nous préoccuper de problèmes qui dépassent de loin le cadre de notre minuscule cadre national. Car il ne faut jamais oublier que nous ne sommes nous Français que 63 ou 64 millions (en attente des prochains chiffres officiels) parmi les quelques 6 milliards d'habitants de notre planète. Autant dire que nous ne représentons guère qu'un pour-cent de la population sur Terre... De quoi nous ramener, malgré notre fierté nationale légendaire, à notre juste niveau.

Certes, la crise alimentaire mondiale qui sévit actuellement, ne nous touche guère que sous la forme d'une augmentation du prix des denrées alimentaires que nous consommons. Augmentation du prix des céréales, des produits laitiers et des fruits et légumes en particulier. Augmentation - certes plus légère - de tout ce qui touche à l'alimentation en particulier, car l'une des bonnes vieilles règles du marché est ainsi faite: lorsque quelque denrée augmente et se fait rare, du fait de la demande qui se reporte sur d'autres produits, forcément le prix de ces derniers augmente également...

Outre cette loi implacable du marché qui ne s'applique pas seulement aux marchés monétaires, des actions, ou à celui de l'or, ... mais plus généralement aux matières premières (pétrole, gaz, céréales), même quand celles-ci sont dites de "première nécessité" (je veux bien entendu parler du maïs et du blé), il existe une spéculation qui alimente ces différents marchés, inutile de dire contre toute notion de morale bien sûr. Ainsi, je viens récemment d'apprendre qu'il existait la possibilité de vendre du blé "à découvert" (c'est-à-dire sans en posséder, mais en spéculant sur sa baisse et ne possédant qu'un simple bout de papier en tout et pour tout, le rachetant au bon moment pour engranger des plus-values, ... sans avoir jamais réellement possédé de blé). Cela peut paraître étonnant, scandaleux même: c'est néanmoins ainsi, que dans un but affiché d'efficience est élaborée la loi des marchés du capitalisme moderne.

Autant prendre la situation avec un cynisme que je ne repprocherai en aucun cas, tant il est révélateur de la soumission à une loi des "marchés" qui est bien supérieure, et considérer comme telles les paroles tenues par le Président de la société de grande distribution Super U, qui dimanche dernier lors de l'émission
Ripostes (France 5) déclarait: "il y a des gens qui font du blé sur le blé". Le jeu de mots n'est sans doute pas opportun, surtout quand il vient de la part d'une personne qui n'a très probablement aucun problème de pouvoir d'achat, elle est même maladroite oserais-je dire en matière de communication, mais force est de constater qu'elle n'exprime que la réalité.

Plus tendancieux sont en revanche les propos tenus lors de la même émission par le même PDG ainsi que par notre ministre actuel de l'Economie: Christine Lagarde. La loi de Modernisation économique, visant à laisser les distributeurs négocier librement avec leurs frournisseurs serait favorable pour tout le monde. Favorable pour le consommateur, car permettant de baisser les prix, favorable pour le distributeur car lui permettant de mettre fin à ces fameuses marges-arrières, où ce dernier était obligé de "planquer ses bénéfices", favorable aux producteurs aussi. Certes, on a pu constater récemment que Xavier Darcos, pourtant ministre de l'Education Nationale était incapable de faire "une règle de trois" - une notion tellement élémentaire que l'on apprend pourtant en classe de 4ème ou de 3ème - (vu au zapping de Canal Plus), il ne faudrait pas pour autant nous prendre pour des imbéciles Madame le Ministre! Si les prix baissent effectivement, sauf augmentation de cadence de production visant à les compenser, il y aura forcément des perdants. C'est tout simplement mathématique... Et faute de représentants des producteurs ou de ce qu'on qualifie les "transformateurs" sur le plateau de l'émission, je suis prêt à parier que ce seront eux les dindons de la farce.

Mais peu importe, ces disgressions purement franco-françaises nous éloignent du sujet initial: les émeutes de la faim ont-elles une cause structurelle ou plus simplement conjoncturelle? Les experts semblent divisés sur ce sujet. Pour une fois, je suis prêt à suivre la cause d'un Claude Alègre, qui prédit que ces émeutes ne constituent que le début de ce qui pourrait être annonciateur de famines ou de guerres dans un futur pas si lointain que ça: guerre de l'eau en premier lieu, car entre irrigation des surfaces cultivées et réponse à la simple "soif" de certaines populations d'Afrique, il faudra choisir...

A cela il faut rajouter le problème posé - je crois judicieusement naguère - par Jacques Attali: "comment en 2050 faire face à 9 milliards d'habitants dont la moitié vivra sous le seuil de pauvreté"?

Personnellement, mon opinion est toute faite et depuis bien longtemps déjà. Le monde n'a pas su, tant au niveau de sa demande énergétique que celui de sa demande alimentaire - ce qui est encore bien plus grave - faire face à la démographie galoppante de notre planète. Nous, pauvres Européens, finalement "bien servis" avons encore l'audace pour certains de croire que tout s'arrangera dans le futur, dans le meilleur des mondes... Visiblement, nous aimons les romans à l'eau de rose, façon Barbara Cartland. Car je crois personnellement, au vu de simples chiffres - 6 milliards d'habitants aujourd'hui sur Terre, 9 milliards prévus en 2050 -, que ceux qui pensent que la crise alimentaire actuelle n'est qu'un "événement conjoncturel" sont de doux rêveurs, ou tout simplement de mauvaise foi. Je crois au contraire que nous aurons dans les années à venir à faire face à l'une des crises les plus importantes à laquelle aura jamais eu à faire face notre planète. Et même, je pèse mes mots. Car quand des milliards d'habitants affamés débouleront chez vous, vous qui êtes encore "emplis de richesse", que ferez-vous?!

Je pense qu'il est vraiment temps, au niveau mondial, de prendre la mesure de ce que pourrait être le futur de l'humanité. Nous serons coupables si nous ne faisons rien pour y remédier, si nous considérons une fois de plus que les crises qui sévissent à Haïti ou autres pays affamés, ne sont que le fruit d'une conjoncture "mal-lunée". Ouvrons grand les yeux, prenons conscience de la réalité des chiffres - projections réalistes dans le futur -, et enfin décidons-d'agir! Pour une fois au moins, nous aurons fait preuve d'anticipation, capacité qui manque cruellement à notre monde.

Publié dans International

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