L'appel au boycott peut-il être une arme efficace contre les licenciements?
Et voici ma réponse (publiée en 5 temps), car hélas j'ai confondu 1000 caractères avec 1000 mots. Et comme sur ce site, on ne peut pas revenir en arrière...
Le XXIème siècle sera celui du "consomm'acteur"
En premier lieu, il me semble que le titre de cet article est mal posé : « Le boycott est-il une arme efficace contre les licenciements ? » me semble en effet assez réducteur, notamment si l’on se réfère au cas pratique présenté, qui est celui de la Raffinerie des Flandres.
En effet, hors la volonté extrémiste de vouloir interdire tout licenciement, ce qui de facto nous entrainerait dans une spirale destructrice d’emplois, il me semble que dans une optique de responsabilité on ne peut raisonner qu’au cas par cas. Comment imaginer une seule seconde d’appeler au boycott des produits d’une entreprise en difficulté, si la conséquence de ce boycott est de condamner à plus longue échéance cette entreprise ? La bonne intention vis-à-vis des salariés à un instant donné aurait des conséquences bien plus néfastes dans le futur.
Point ne serait question non plus de chercher à nuire économiquement à des entreprises qui pour anticiper le futur seraient amenées à procéder à des restructurations. Car une entreprise doit être capable d’anticiper son avenir. Et nous devons tous être fiers lorsqu’une entreprise française gagne de l’argent, est compétitive au sein d’une mondialisation que personne aujourd’hui ne peut ignorer.
En conséquence, l’appel au boycott ne saurait que concerner ce qu’on pourrait appeler les « excès liés au capitalisme financier ».
Comme cet article le souligne, il y a un flou juridique en France concernant l’appel au boycott, bien que celui-ci soit couramment pratiqué dans les pays anglo-saxons ou en Asie. Il est sytématiquement condamné en particulier lorsqu’il revêt un caractère discriminatoire, ce dont nous devons par ailleurs nous féliciter.
Le plus célèbre exemple de boycott industriel mené en France est celui des produits Danone en 2001 suite au plan de restructuration annonçant la suppression de 1816 emplois dont 570 dans l’hexagone, alors que le groupe Danone était en parfaite santé financière. Ce boycott a été générateur à court terme d’une baisse de croissance dans le pole « biscuits » - le pole touché par les restructurations - estimée à environ 5 à 6%. On le constate donc, l’appel au boycott n’est pas neutre pour les entreprises et constitue un moyen de pression, à condition d’être utilisé avec responsabilité, c'est-à-dire avec parcimonie et discernement.
Alors que par le passé seuls les rapports de force entre syndicats et entreprises étaient à même de décider du destin des salariés, il faut avoir conscience que mondialisation et Internet obligent, nous sommes entrés depuis peu dans une ère nouvelle : celle du « consomm’acteur ». Le consomm’acteur n’est pas un simple consommateur, c’est un consommateur informé qui décide de ses choix, en toute liberté. S’il condamne par exemple certaines conditions de travail trop inhumaines visant à une productivité maximale au détriment de l’individu, le consomm’acteur a son mot à dire. Il peut cautionner cette attitude ou la réprimer en se tournant vers d’autres marques. Le consomm’acteur n’est en sorte ni plus ni moins que le contre-pouvoir né de la mondialisation et de l’instantanéité de l’information.
Pour conclure, l’appel au boycott est-il à même de compenser certains effets néfastes dus aux excès du capitalisme financier ? Oui, je le crois sincèrement.
Dans le cas particulier de la Raffinerie des Flandres, l’atteinte à l’image de marque du groupe Total, la menace que laisse planer le consomm’acteur sur ce groupe, doit permettre - car Total au vu de ses bénéfices record, même s’ils sont tombés à « seulement » 8 milliards d’euros environ en 2009, a très largement les moyens financiers pour pérenniser l’emploi de quelques 800 salariés ou sous-traitants de la région dunkerquoise - d’apporter une motivation supplémentaire à la direction de Total, afin qu’elle fasse l’effort que pour le moment elle se refuse à faire. C’est juste une question d’équilibre entre actionnariat et salariat, et au-delà c’est probablement un symbole qui aura valeur d’exemple par la suite. Si Total fait cet effort, son image sera renforcée auprès des consomm’acteurs. Si ce groupe se refuse en revanche à donner dans une stratégie du « gagnant-gagnant », le consomm’acteur jugera.